Les erreurs...
Ce billet est motivé par l'origine de ce projet : mon but est avant tout d'apprendre. Comme de plus j'aime
beaucoup transmettre le peu que je sais (en marge de mon métier, j'interviens une vingtaine d'heures par
ans pour enseigner en école d'ingénieurs), je me suis dit que ce fil de discussion pourrait éventuellement
être une humble contribution pour remercier ce forum de tout ce que j'y apprends. Or, on apprend souvent
plus par ses erreurs que par ses succès. Faire une série de billet montrant un beau projet où tout marche
et est parfait, me semble donc moins intéressant que montrer aussi (et surtout) ce qui ne marche pas.
Qui plus est, si je devais faire des billets uniquement pour montrer ce que j'ai réussi à faire, je n'en
ferais pas beaucoup, alors que faire des billets sur mes co....ies, là j'ai de la matière !
J'ai déjà expliqué mon choix mal approprié de matériau pour les glissières (de l'acier laminé à chaud), et
combien cela complique la réalisation, je n'y reviendrais pas ici.
Là, je vais plutôt parler des déboires que l'on peut rencontrer lorsque l'on fond des pièces en aluminium.
Le premier des problèmes, c'est l'obtention d'une empreinte propre dans les moules à sable vert à
partir d'un modèle en bois. Ce qui arrive très souvent, c'est qu'après avoir tassé le sable à la fois dans
la moitié inférieure et dans la moitié supérieure et que l'on ouvre le moule pour extirper le modèle en
bois de sa gangue de sable, le sable ne reste pas en place. Le plus souvent, se sont les surfaces quasi
verticales qui se détachent. La photo suivante en montre un exemple typique, au niveau du trou central.
Il ne faut pas laisser le tas de sable désolidarisé du reste se balader. Il risquerait soit de faire une inclusion
dans le métal et on ne pourrait pas le sortir (je pense que personne ne veut rencontrer un grain de sable
dans un bloc de métal au cours d'un fraisage), soit de faire un vide en surface si par bonheur il ne naviguait
pas trop loin lors de l'arrivée du flot de métal liquide. On peut enlever ces avalanches de sable avec un
pinceau, un couteau à enduire, une soufflette en caoutchouc ou simplement en soufflant délicatement.
L'endroit d'où le sable vient est désormais vide, et sera donc rempli par du métal lors de la fonte. Si la
zone est à peu près accessible, on pourra enlever ce métal en excès après refroidissement, par limage.
Cela ne fait que du travail en plus, cela n'empêche pas d'utiliser le moule pour faire la pièce. On râle,
mais il n'est pas nécessaire de tout recommencer. Si l'avalanche est trop importante ou se situe sur une
surface vraiment importante, on râle plus fort et on remet le sable dans le bac pour recommencer le
moulage du modèle en bois. Il m'est parfois arrivé de recommencer le même moulage 5 ou 6 fois sans
même tenter de fondre le métal dedans. L'enseignement qu'il faut en tirer, c'est qu'il vaut mieux préparer
les moules avant d'allumer la fonderie plutôt que de commencer à chauffer en se disant que l'on aura
le temps de préparer le moule à sable pendant que le métal de récupération commence à fondre.
Un autre problème, c'est de ne pas prévoir assez de métal. Une fois fondu, on verse tout ce que l'on a et on voit
que cela ne suffit pas. Si on a prévu un second trou de réserve de l'autre côté de la pièce, sensé laisser l'air
s'échapper et le trou lui-même se remplir par vases communicants au fur et à mesure que l'on rempli le trou
de coulé, on voit que rien ne se rempli. C'est ce qui est en train d'arriver dans cette image :
Le résultat, c'est qu'il manque un bout de la pièce, ici toute la queue qui part en bas à droite et qui aurait
dû être deux fois plus longue et se terminer par une équerre.
Les lecteurs observateurs auront remarqué qu'en fait les deux problèmes (sable effondré et pas assez d'aluminium) se sont
produits sur la même pièce. On voit la boursouflure au centre moulant parfaitement l'espace laissé vacant par le sable
qui s'était effondré. Paradoxalement, j'étais assez content de cette pièce. C'était la première fois que j'utilisais mon nouveau
sable très fin, et l'état de surface obtenu n'avait véritablement rien à voir avec ce que j'avais produit jusqu'à ce jour.
Les lecteurs encore plus observateurs remarqueront un troisième défaut sur cette pièce, une dépression à la surface dans
l'angle à droite, près de la colonne verticale. L'image suivante montre ce défaut un peu plus en détail.
Ce type de dépression est lié au retrait du métal lors du refroidissement. Il est d'autant plus important que la pièce est épaisse,
ce qui est le cas pour ce chariot (il y a les côtés d'une glissière en boîte sur la partie inférieure au dessous de cette arête).
Pour éviter ce problème, on met des « réservoirs » de métal à proximité, de sorte que quand la pièce se rétracte elle peut
attirer du métal depuis ce réservoir dans la pièce. C'est à cela que servait la colonne verticale. Manifestement cela n'avait
pas marché. J'ai appris depuis qu'il fallait que les réservoirs soient plus gros que la pièce, car alors le réservoir contient encore
du métal liquide quand la pièce se refroidit et que celui-ci peut donc migrer du réservoir vers la pièce. Je pense désormais que
mon petit tube s'est solidifié avant la pièce, très épaisse, et que c'est lui qui en se rétractant à aspiré le métal encore liquide du
coeur de la pièce, créant une dépression à la surface.
Une autre erreur commise au cours d'un essai suivant a été de tenter vaille que vaille à utiliser mes cadres manifestement trop
petits pour couler cette pièce (pour information, il s'agit du chariot transversal qui se déplace donc sur le trainard). Là, j'ai essayé
de mettre le modèle en diagonale, et de mettre des trous de réserve (Gingery appelle cela des « risers », que l'on pourrait vaguement
traduire par des « élévateurs », mais je suis sûr qu'il y a un nom dédié en français) dans les coins pour être sûr que le métal
arriverait partout.
On peut au passage voir les petits liteaux en contre-plaqué dans la moitié supérieure du cadre ; ils servent à stabiliser le
sable et à empêcher qu'il ne s'effondre.
Bon, les trous trop près du bord, manifestement c'est une mauvaise idée...
Le métal s'est mis à fuir entre le cadre inférieur et le cadre supérieur, pour les deux tubes (on voit la flaque tombée sur le
contre-plaqué et qui brûle tout devant, mais on voit aussi une seconde flaque tombée sur les dalles à droite). La pièce
n'est pourtant pas sortie si mal que ça.
On voir quand même une grosse dépression en bas à gauche de la zone circulaire. L'envers de la pièce était également
plein de trous et d'inclusions de sable, la pièce était inutilisable.
En fait, j'ai eu beaucoup de chance ce jour là, même si je ne m'en suis pas rendu compte.
Lors du débordement, de l'aluminium liquide est tombé sur les dalles. Celles-ci étaient sèches, il ne s'est rien passé. Quelques
jours plus tard, alors qu'il me semblait que les dalles étaient également sèches, j'ai également renversé un peu d'aluminium
(en fait beaucoup moins que ci-dessus) sur les mêmes dalles. Je n'y ai guère prêté attention. Plusieurs secondes plus tard,
peut être une dizaine de secondes, le dessus de la dalle a explosé, projetant des débris de pierre tranchants et du métal à
très haute température à plusieurs mètres. Nous étions deux juste à côté et fort heureusement ce qui a été projeté est
passé à côté de nous, personne n'a été touché. Ceci aurait pu être
très grave. Je savais déjà (et je l'ai écris plusieurs fois
dans ce fil de discussion) que le métal en fusion ne doit jamais se trouver en présence d'eau. Je pense qu'il restait un peu
d'eau infiltrée dans la dalle depuis la pluie de la semaine précédente et que cela explique l'explosion.
Faire fondre du métal est dangereux.
Voici un petit florilège des premiers essais sur le chariot transversal (il en manque, certaines pièces avaient déjà été
fondues lors de cette prise de vue).
On voit que j'avais fini par construire des cadres plus grands pour loger le modèle et tout un ensemble de réservoirs de métal
(il faut vraiment que je trouve le nom de ces poches, si quelqu'un de féru en fonderie pouvait me renseigner, je lui en serais
reconnaissant). J'avais cependant toujours des dépressions (à ce moment là, je n'avais pas lu qu'il fallait que les réservoirs
soient plus gros que les pièces). J'ai donc opté pour une solution un peu bancale : j'ai ajouté des cales pour rendre la pièce
encore plus épaisse sur les zones plates en bas, et j'ai fondu la pièce à l'envers. En effet, les dépressions dans les zones
circulaires me semblaient impossibles à rattraper par usinage, alors que si j'avais une dépression de 5mm dans une zone
plate que j'aurais épaissie de plus de 5mm, alors je pouvais garder la pièce malgré la dépression.
Voici ce qui en est sorti :
On pourrait intituler cette oeuvre d'art « la forêt » à cause de tous les troncs et la flaque de métal qui s'était répandue à la
surface du sable et qui forme comme une canopée. On voit clairement l'épaisseur énorme que j'avais ajouté sur les surfaces
planes. Les dépressions sont toujours là, et en fait encore plus prononcées (la plus profonde, à droite, faisait 8mm...). Le petit
cylindre à gauche est un trou de ventilation fait à l'aiguille à tricoter.
La partie supérieure, avec les zones circulaires, ne présentait plus de dépression, ouf.
Après un peu de nettoyage, on obtient ça :
Les glissières en boîte ont été dégrossies par quelques heures avec le rapide-lime (une super petite machine). Heureusement
que j'avais pris énormément de marge, certaines surfaces ont dû être descendues de 11mm!
Voici une mise en situation du chariot, juste posé sur le trainard :
La pièce suivante sera la partie rotative que Gingery appelle « compound swivel base » (base tournante du chariot composite ?).
Elle sera surmontée d'un autre chariot (« compound slide » que je traduirais par «chariot composite »), pour le tournage conique.
Je manque de vocabulaire, pourriez-vous m'éclairer sur les bonnes dénominations ? Pour l'instant, je n'ai fait que le modèle
en bois, je ne l'ai pas encore coulé.