Salut,
Le sujet m'intéresse forcément, je fais des produits made in France d'un côté, et la quasi totalité de mes machines et outils ont les yeux bridés ...
En machine française, je savais que Cazzneuve existait toujours et bien présent pour les tours (conventionnels et CN), mais j'ai découvert récemment qu'ils avaient aussi une gamme de centre d'usinage. Par contre s'ils annoncent partout que leurs tours sont bien made in France, rien sur la provenance des CU ... il faut que je leur pose la question, mais j'ai bien peur que ça soit du rebadgé.
Je suis en lisse pour acheter une Syil X7 neuve, quasi toutes options (4 axes), le devis final est à environ 35k€ HT.
Le bâti est en epoxy granit, fabriqué en Suisse. Le contrôleur est un Siemens 808D/A (avec ses 4 servos pour les axes, et le moteur de broche).
Déjà une fois payé la facture aux Suisse et à Siemens, les 35k€ auront pris une belle claque chez Syil.
Ensuite il faut les rails, les chariots, les vis à bille avec leurs écrous ... de mémoire c'est du THK, encore une belle part du gâteau qui s'en va.
Sachant que Syil fait des machines depuis "un certain temps", et qu'ils font des composants pour d'autres marques, donc quand ils vont négocier avec THK, les suisses ou Siemens, ils ont un business plan qui tient la route et une légitimité, donc ils ne payent pas le prix catalogue ...
Maintenant reste à concevoir et fabriquer les pièces qui ne sont pas sur étagères ... table croisée, colonne, etc. Comme déjà dit, Syil est un gros fabriquant, qui a des grosses machines déjà bien amorties, et des ingénieurs expérimentés pour la conception. Cette partie ne leur coute "presque rien" puisqu'ils ont déjà l'infrastructure.
Ensuite il faut envoyer la machine ... la Chine est une machine à exporter, ils ont des tarifs juste hallucinants sur les frais de port sortants.
Envoyer une machine comme ça depuis le France te couterait entre 2 et 10x plus (pour faire le même chemin en inverse).
Une fois la machine arrivée chez le client, un élément qui fait la différence par exemple entre Syil et Haas, c'est que Haas t'envoie un technicien pour la journée pour l'installation, technicien qui revient le lendemain pour mettre en route la machine et te faire une micro-formation ... chez Syil tu déballes et tu installes toi-même.
La machine en fonctionnement, il faut aussi assurer le SAV, les pièces détachées, la maintenance, le support, etc.
Tout ça ne se fait pas en un jour.
Regardes les histoires des marques dont on parle ...
Syil: sous-traitant pour d'autres fabriquant, ils ont eu le temps d'apprendre, et ils avaient l'infrastructure, ils ont commencé par une très petite machine (X4 ?) et ont progressé depuis. Ce n'est que depuis quelques années qu'ils commencent à être vraiment connus et reconnus (surtout avec la X7, mais ils font aussi des équivalents de Speedio et des centres plus gros).
Haas: Eugene Haas avait déjà une grosse entreprise, et utilisait beaucoup de machines-outils, il trouvait que celles qu'il achetait n'étaient pas assez bonnes, du coup il a fait une machine d'abord pour son propre usage, et l'a vendu par la suite.
Realmeca: même s'ils ne dont presque plus de machines propre (ils sont essentiellement revendeurs Haas), c'est aussi et surtout un très gros usineur pour l'aérospatiale et l'aviation, ils ont des dizaines de CNC qui tournent H24.
Je vois difficilement une "startup" aller jouer dans cette cour, ce qui est d'ailleurs le gros problème qu'on a en France, puisqu'on a plus d'industrie, on n'a plus personne capable d'aller jouer les gros bras ... une startup qui fait une appli smartphone n'a besoin de quasi rien pour démarrer, et faire une lever de fond après, mais là on parle de gros investissements avant même de commencer à sortir le tout premier produit, plusieurs années de R&D, etc. A ma connaissance aucun investisseur en France ne suivra (et j'ai réussi plusieurs levées de fond).
Ce n'est probablement pas ce que tu as envie d'entendre, mais un business plan pour arriver à ton objectif se ferait sur 20 ans au moins.
Acheter une première machine, faire de la pièce pour des clients, une deuxième machine, apprendre à s'en servir, connaitre les concurrents usineurs, mais aussi tous les fabricants de machines, savoir ce qui marche, ce qui ne marche pas (et pourquoi), avoir un parc machine conséquent, un bureau d'études, et seulement là commencer à se poser la question d'une machine qui aurait une niche à prendre.
Aller concurrencer Haas ou Syil de front n'est pas viable, il faut aller sur un marché ou ils ne sont pas, et qui ne les intéresse pas (en général parce que pas assez de volume, ou trop compliqué), se faire une petite place, grossir progressivement, et peut-être un jour devenir un gros joueur.
En France maintenant tout le monde rêve de devenir le nouvel Amazon en 15 jours ... on a perdu l'esprit (industriel) de commencer petit, et à la force des bras, grossir petit à petit. Ca prend du temps, mais c'est beaucoup moins risqué et c'est le seul moyen d'avoir les épaules solides (l'immense majorité des startup se créées, font un proto, lèvent des fonds, galèrent et disparaissent dans la foulée, parce que faire un proto et faire un produit commercial ce n'est pas pareil).
Je prévois (peut-être à tord) que dans les années à venir, il y aura un appel d'air en France sur des besoins de production et d'usinage, j'ai monté des dossiers et j'attends le go pour prendre une Syil X7, c'est un (petit) investissement, on verra ou il me mène, concevoir et fabriquer mes propres machines-outils CNC est un rêve depuis des années, mais j'en sais suffisamment pour savoir qu'on ne se lance pas là dedans à l'aveugle ... j'ai un business rentable et ça me laisse du temps et de l'argent pour faire mes petites expériences. Le jour ou j'aurais un produit viable il sera toujours temps de se poser les bonnes questions.
Thomas.
PS : yellow submarine ... il y a quelques années je connaissais quelqu'un avec ce pseudo sur helimag qui avait déjà des grandes idées de business