Bonjour à tous et….aux « tailleux de petits engrenages »,
Je suis nouveau sur ce forum hautement professionnel et je ne voudrais pas me faire jeter dès mon entrée en montrant un travail de bricoleur. Je prie donc d’avance ceux dont la sensibilité aura été heurtée de me pardonner.
Je pense qu’il y a aussi des amateurs basiques sur ce forum et que ce qui suit pourra les intéresser. Je le montre donc à toutes fins utiles.
Nous ne sommes pas ici dans le monde des tourneurs fraiseurs, ni dans celui des horlogers, mais dans celui des « amateurs », ou des « bricoleurs » comme on voudra. Ceux d’entre eux qui font de la petite mécanique et/ou de la pendulerie peuvent vouloir tailler eux-mêmes des engrenages pour construire des mécanismes selon leur propre design.
Ils ne possèdent pas de machines puissantes et perfectionnées comme celles que les professionnels montrent régulièrement sur ce forum, mais doivent se débrouiller avec un simple tour/fraiseuse de modéliste à commandes manuelles (pas de CNC).
Ils peuvent soit acheter les fraises module, mais elles coûtent trop cher pour leur simple usage amateur, soit envisager de les réaliser eux-mêmes. C’est à cet exercice que j’ai voulu m’essayer.
Il s’agit bien sûr de réaliser une fraise à une seule dent. Le taillage d’engrenages avec cet outil mono-dent sera en principe le même qu’avec une fraise au multi-dents, mais plus lent.
Par contre, comme pour la fraise multi-dents, la fraise mono-dent aura un profil constant et sera donc ré-affûtable en vue d’un service prolongé.
Les barreaux d’acier à outils sont faciles à trouver et ils ne demandent qu’à être découpés pour devenir des ébauches (en bas sur la photo) qui seront ensuite façonnées et trempées pour devenir des outils de coupe.
Je monte donc une ébauche sur le porte ébauche que j’ai réalisé moi-même pour cet exercice. Je serre les deux vis, sans forcer, car la mâchoire de serrage est puissante et a un effet de coin autobloquant.
Le porte ébauche est monté sur le petit plateau du tour, que j’avais déjà réalisé précédemment pour compléter le jeu de plateaux de ce petit tour.
Le tout est vissé sur le nez de la broche de l’Emco Unimat datant des années 60 et dont j'ai refait complètement le banc avec glissières en queue d'aronde pour en améliorer la précision et les performances.
LA QUESTION qui s’est posée alors était: quel module cette première fraise mono-dent « home made » doit-elle avoir et quel nombre de dents doit-elle tailler dans ce module ?
REPONSE : elle doit tailler la roue de 57 dents du Meccano. Elle doit donc correspondre à la fraise N° 7 du jeu des fraises au module en mécanique générale, celle qui taille de 55 à 134 dents.
Le choix de la roue de 57 dents à été fait pour rendre hommage à Meccano qui m’a fait découvrir les engrenages quand j’étais un mécanicien en culottes courtes. Autre raison : cette roue à un module de 0,66842 qui se situe vers le milieu de la plage que je vise pour la réalisation de mes projets et qui va de module 0,5 à module 1 (le module des roues de comtoise est voisin de 0,8, celui des barillets de mouvement de Paris doit être légèrement inférieur à 0,5, celui de Lego est de 1).
Je lance sur le PC portable (type Netbook) posé à côté du tour, un programme que j’ai conçu et écrit pour générer les profils normalisés des dents des fraises au module dans n’importe quelle norme de denture que je connais.
Dans le cas de certains types d’engrenages ogivaux un simple tableur devrait suffire à la place de ce programme.
Je rentre les données suivantes :
- La norme choisie : développante de cercle (celle de la mécanique générale).
- Le nombre de dents : 57
- Le module : 0.66842 (correspondant à Diametral Pitch 38, qui est le module du Meccano).
- L’angle de pression : 20°
- L’épaisseur du barreau ébauche : 4 mm.
Le programme génère le profil et affiche une vue grossie de deux dents de la roue de 57 dents et donc du creux de dent, qui est en fait le profil que doit avoir la fraise module mono-dent à réaliser.
Le programme affiche aussi les informations pour dégrossir l’ébauche et y créer trois faces de référence.
La face avant du barreau ébauche est rendue circulaire. Elle sera la surface de référence pour la pénétration du chariot transversal.
La face droite du barreau est dressée selon la largeur et la profondeur d’usinage affichées sur l’écran par le programme. Elle sera la surface de référence pour les mouvements du chariot longitudinal, en partant de la droite.
Je bascule l’outil du tour de l’autre côté de l’ébauche et dresse la face gauche. Cette troisième surface sera la surface de référence pour les mouvements du chariot longitudinal, en partant de la gauche.
Je mesure avec précision l’épaisseur de la partie amincie du barreau et je rentre cette information dans le programme. Il en a besoin pour bien centrer la dent à réaliser dans ce volume. Je lui donne aussi les valeurs des graduations des volants du tour qui amènent la pointe de l’outil sur l’arrête entre la face gauche et la face avant.
Le programme affiche alors sur l’écran le tableau des positions (graduations) successives à donner aux deux volants de manœuvre des chariots transversal et longitudinal du tour, afin de tailler le profil gauche de la dent de la fraise module.
Mise en route du moteur. J’exécute sans me poser de questions les manœuvres indiquées par le programme.
C’est fastidieux mais ne demande aucune dextérité, juste de l’attention pour ne pas se tromper dans la lecture des graduations des volants. Il faut admettre qu’un tour à commande numérique qui exécuterait automatiquement les commandes données par le programme serait le bienvenu. Je n’ai pas voulu utiliser de micromètres bien que cela n’aurait pas posé de problèmes étant donnée la petitesse des courses à effectuer (pas plus de 2 mm).
La face gauche à pris l’allure d’une demi dent de fraise module.
L’outil du tour est basculé du côté droit. Je le fais tangenter sur la face avant, puis sur la face latérale droite et je relève les valeurs correspondantes des volants, puis je les rentre dans le programme.
Ce dernier affiche sur l’écran le tableau des positions (graduations) à donner aux deux volants de manœuvre des chariots transversal et longitudinal du tour, afin de tailler le profil droit de la dent de la fraise au module.
De nouveau, j’exécute les instructions sans me poser de questions.
La dent de fraise module est maintenant complètement taillée.
Les deux vis du porte ébauche sont desserrées pour sortir la dent taillé et la remplacer par une nouvelle ébauche. La prochaine ébauche sera encore mieux taillée que le prototype, car en cours d’exécution j’ai pris des notes pour améliorer le processus.
Je ne montre pas les détails des traitements thermiques, également maison, ni du polissage des faces, ni du marquage en « code binaire » de cette première dent de fraise qu’il faudra bien savoir reconnaître de ses futures petites sœurs.
Je ne montre pas ici les essais de taillage qui ont donné des résultats très satisfaisants, presque inespérés pour un prototype, sans avoir du tout à retoucher son profil. Les faces latérales de la pointe de la dent n’ont même pas été polies afin de ne pas en altérer les caractéristiques dimensionnelles, mais juste débarrassées de l’oxyde consécutif à la chauffe.
La dent s’emboîte très bien dans un exemplaire de roue Meccano de 57 dents, identique à celle qu’elle devra tailler (en fait elle pourra tailler de 55 à 134 dents dans ce module).
Je montre cette dent unique à côté d’une fraise à profil développante de cercle de module 0,5 pour la mécanique générale. Son diamètre est de 60 mm.
Le processus illustré ci-dessus permet de confectionner un outil de taillage d’engrenages « façon amateur » conformément à un profil normalisé choisi et en lui donnant un profil constant afin de pouvoir le réaffûter et l’utiliser plusieurs fois.
L’objectif n’est pas de réaliser des engrenages pour de la petite mécanique tournant à grande vitesse et sous couple élevé, mais des engrenages pour de l’horlogerie.
Ce processus ne demande pas une grande dextérité (sauf pour la trempe si on la pratique à l’œil comme je l’ai fait) mais seulement de l’attention. En consacrant le maximum de réflexion à l’élaboration de la méthode et à la conception des outils informatiques associés on permet ensuite de la mettre en œuvre sans posséder d’aptitudes particulières.
C'est du travail 100% amateur, qui vous aura au moins amusés j'espère, à défaut de vous intéresser.
EDIT: le 29 mars 2018, afin de remettre directement sur Usinages les photos qui avait disparu, suite à la fin de service de l'hébergeur sur lequel elles étaient précédemment stockées.