Savez-vous que cette année le HBY 590 fête son quarantième anniversaire ?
Décidez de concevoir une nouvelle machine est l’aboutissement d’une longue réflexion. Elle doit s’inscrire dans la tradition de l’entreprise. Il faut définir les besoins et le marché. Aujourd’hui nous appelons ça le « marketing ». Plus prosaïquement, la direction technique, les commerciaux, les techniciens itinérants (SAV) essayent de cerner en échangeant leurs informations et leurs observations les futurs besoins des clients. Il faut tenir compte des critiques des utilisateurs des machines précédentes, même celles des clients em… (zut, j’ai failli dire un gros mot). Ils mettent souvent le doigt sur des points essentiels qui nous avaient échappés
(N’est-ce pas MICLUC ? Pourtant nous sommes devenus d’excellents amis – plus de 40 ans - et il m’a même entraîné sur ce forum).
Comme pour une voiture, il faut anticiper, souvent plusieurs années auparavant, les tendances industrielles. Par exemple l’évolution des matériaux à usinés, la taille et les séries des pièces (influence du flux tendu), les progrès des outils (vitesse de coupe), etc…
A partir de là, les décideurs créent une « maquette » dimensionnelles (volume de la zone usinable, puissance disponible, vitesses, fonctions à inclure, etc..) c'est-à-dire un cahier des charges.
La phase suivante va consister à donner des enveloppes limites à chacune des parties de la machine (quitte à les modifier). Ces contraintes proviennent des équipements disponibles ou à investir pour la construction, notamment des grosses pièces (longueur des bancs par exemple). La première notion économique apparaît déjà. La production envisagée (10 ou 10 000 machines – cas des HB) ne justifie pas les mêmes investissements.
Un premier dessin d’ensemble voit alors le jour, même si pour beaucoup d’éléments nouveaux il n’y a encore que des carrés blancs. Les tâches sont réparties entre plusieurs équipes, mais toutes en contact étroit et permanent. Il faut intégrer tous les composants qu’ils soient de notre propre fabrication ou achetés. Ne pas oublier les passages pour les fils, tubes ou autres éléments qui pourraient paraître secondaire, etc... Il n’est pas rare qu’une innovation (ou une norme nouvelle) remette en question tout le projet. C’est le temps des choix, assumés par la direction technique avec souvent des nuits blanches d’incertitude.
Les trouvailles géniales se font rarement devant la planche à dessin ou l’ordinateur, mais plus souvent sur les nappes de restaurant. Il faut rendre hommage à tous ces projeteurs anonymes qui feront des merveilles à partir de 3 coups de crayons sur un papier taché par la graisse….des frites..
Toutes les nouvelles idées doivent être essayées d’où la nécessité de disposer d’une équipe de prototypistes sachant tout faire avec leur tête et leurs dix doigts.
Bien sur les erreurs sont nombreuses, mais elles sont le sel des grandes réalisations, on apprend plus d’un échec que d’une réussite.
Mais quel bonheur d’arriver un produit fini qui va pouvoir être fabriqué en grande série. C’est pourtant le moment le plus frustrant. Cette longue gestation à fait surgir des solutions originales mais il faut savoir s’arrêter un jour. La machine parfaite n’existe pas et surtout elle doit rester dans un niveau acceptable de prix. Demain nous ferons mieux.
Tout ceci est très banal et classique. Le vrai secret c’est le travail en équipe. Le chef doit savoir écouter, les exécutants admettre les choix. Il faut être curieux, surtout ne jamais rejeter une idée qui peut à priori paraître farfelue et de ne pas tenir compte du niveau hiérarchique de son auteur.
L’équipe ne se borne pas au seul bureau d’études, il faut y inclure tous les services de la société : direction, commercial, financier, achats (rôle très important) et bien sur toutes les équipes des ateliers qui tout au long de la vie de la machine la feront modifier pour une plus grande facilité de réalisation et de fiabilité.
Il y a pourtant une exception au schéma ci-dessus. Le HBX 360 n’était pas destiné à être commercialisé ! Cette petite machine était en fait un banc d’essai expérimental (d’ou le X du nom). Vouée à être unique pour tester différentes idées (variateur, tablier automatique, contre-pointe excentrée, profil de banc, etc..) qui auraient du trouver des applications sur d’autres nouvelles machines. Devant l’enthousiasme des essayeurs, elle est vite venue s’ajouter à la gamme CAZENEUVE. Vous connaissez la suite.
De mes équipes, je n’ai nommé personne, tous mériterait de l’être. J’ai trop peur d’en oublier un ou d’écorcher un nom.
Aujourd’hui c’est la journée de la femme. Dans mon bureau d’études j’ai été le premier a embauché en 1969 une femme ingénieur en mécanique et notre équipe 4 ans après était presque à la parité. On dit que les mécanos sont machos !
Je ferai cependant deux entorses. J’ai beaucoup écouté et discuté avec ces personnes et je leur dois beaucoup de ce que je vous relate au fil du temps.
Rentrés tous les deux comme « arpettes » chez CAZENEUVE à l’âge de 14 ans (1927), ils ont pris une retraite bien méritée à 65 ans après 51 ans de maison et pratiquement aucun jour de maladie, sans connaître les 5 semaines de congés payés, les 35 heures et les RTT. Un record difficile à battre.
Mme FRELICOT, qui a débuté au perçage, puis à l’accueil, virtuose du clavier du standard, mais qui savait tout. Elle a fait patienter avec sa charmante voix et sa diplomatie légendaire des milliers de clients au téléphone.
M. BUSNEL, apprenti tourneur à son arrivée, mettait sa science et expérience du tournage au service des clients (et de nous tous) en les conseillant sur leurs méthodes d’usinage et bien sur le choix des machines. Le jour de son départ à la retraite, il nous a fait l’honneur de réaliser avec le premier HBCN 1, la première pièce « numérique » de Cazeneuve (1978) – aujourd’hui mon presse-papier.
Hommage reconnaissant et remerciements à tous.
JM